La médiation scientifique a-t-elle bien tourné en dix ans ? Retours sur Révoluscience et son manifeste


Il y a dix ans, le Collectif Révoluscience publiait son Manifeste, qui fêtera ses dix ans lors d’une soirée spéciale organisée le 31 mai par l’Association TRACES et hébergée sur la chaîne Twitch du Café des Sciences. Sème Ta Science sera représentée lors de cette soirée par Vera (@vdezouz), qui sera en compagnie des autres invités et invitées :

  • Valérie Lallemand–Breitenbach (L’Arbre des connaissances)
  • Lionel Larqué (ALLISS)
  • François Millet (Le Dôme)
  • Gabriel Pallarès, alias DrBaratin (chercheur en sciences de l’éducation et vulgarisateur web)

En préparation de cette soirée, certains membres ont relu le Manifeste avec plusieurs questions en tête. Comment le texte a-t-il vieilli ? Les pratiques de la médiation ont-elles évolué ? Qu’est devenu le métier de médiateur·rice scientifique présenté dans le texte ?

Force est de constater que le texte reste plus qu’actuel aujourd’hui. En 19 pages déclinées en 22 propositions, le Manifeste prône la médiation scientifique avant tout comme un espace de dialogue qui propose, sans toutefois l’imposer, une vision scientifique du monde. Il apporte ainsi l’idée d’une médiation scientifique sociale, culturelle et éthique. Une médiation qui donne à penser plutôt qu’à croire, qui expose les facettes d’un débat et éclaire le public afin qu’il se fasse sa propre opinion, rationnelle et questionnée. Une médiation aussi qui replace la science dans son histoire, et re-contextualise les découvertes. Le Manifeste avertit également des dangers de l’instrumentalisation de la médiation, preuve que les dangers exposés récemment sur Twitter en regard de l’instrumentalisation des médiateur·rice·s et vulgarisateur·rice·s scientifiques par un mouvement anti-vaccin ne datent vraiment pas d’hier, même si les conséquences en sont nettement visibles en contexte de pandémie.

Ce dernier point nous a amené à nous interroger sur le métier de médiateur·rice, sa place dans la société et sur la nécessité à la fois d’une professionnalisation de la discipline mais aussi d’un processus de validation de la médiation scientifique similaire à la validation des résultats scientifiques (comité d’éthique, relecture par les pairs, code déontologique, etc.).

La réflexion était si riche que nous avons décidé d’en discuter lors d’une rencontre adhérent·e en invitant l’association qui hébergera la soirée sur Twitch : le Café des Sciences, représenté par Antoine Blanchard (@enroweb) , son co-fondateur et Dounia Saez (@douniasaez), la présidente actuelle. Par son format unique, l’association regroupe une communauté de membres intégré·e·s par cooptation, dont les contenus sont validés entre pairs.

La première partie de la soirée est disponible dans son intégralité sous format d’un épisode spécial de Relais de Science, où nous revenons avec eux sur l’histoire du Café des Sciences, l’apparition des vidéastes dans la communauté des vulgarisateurs et vulgarisatrices, ses actualités, comment les rejoindre et comment ils voient le futur.


[Relais de Science #6] Le Café des Sciences
[Relais de Science #6] Le Café des Sciences
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Concernant la validation par les pairs, et faisant écho à notre réflexion autour du Manifeste Révoluscience, le Café des Sciences suit un format assez unique de validation des contenus, même si les productions des membres (dits les Cafetiers et Cafetières) ne sont pas systématiquement relues et validées avant agrégation sur le site. L’aspect communautaire joue tout de même un rôle crucial dans le maintien d’une qualité globale des contenus postés, et le sérieux des productions de la part des membres du Café des Sciences.

“Ce sont les membres actuels qui votent pour décider qui peut devenir membre. On accepte des membres mais on ne valide pas l’ensemble de leur contenu. Après il y a ce qu’on appelle l’agrégation, qui fait que les contenus sont rassemblés et republiés, sous l’égide du portail Café des Sciences, et on ne va pas vérifier chacun des contenus, c’est une nuance importante. On va vérifier globalement la production de quelqu’un, qui peut du coup intégrer le Café des Sciences, et ensuite qui va continuer sa production. Seulement le collectif autour va être là pour éventuellement signaler des problèmes ou pour faire des relectures à la demande, ou encore pour faire des collaborations.”

Antoine Blanchard

Ce sérieux apporté par l’association permet ainsi la valorisation des qualités de vulgarisation en tant que véritables compétences et attributs professionnels.

“Nous sommes membres de l’AMCSTI, le réseau des centres et musées de culture scientifique, technique et industrielle en France; et on essaye depuis plusieurs années, voire même je dirais depuis les débuts du Café, de montrer que les vulgarisateurs et les vulgarisatrices sont tout à fait légitimes pour parler de science dans les structures scientifiques aussi, et qu’ils ont des capacités professionnelles, des choses à faire valoir, et que ce sont des professionnels de leur métier, la vulgarisation […] et qu’ils sont complémentaires des médiateurs et médiatrices qui sont déjà en structure. Il y a des échanges à créer, des synergies à trouver, entre le monde de la recherche et des sciences, les médiateurs et médiatrices, et le monde de la vulgarisation.”

Dounia Saez

Enfin, questionnés sur l’évolution de la communauté et des formats de vulgarisation, il a été discuté d’un basculement léger vers une vulgarisation audiovisuelle (vidéo, podcast), avec toutefois un regain de la vulgarisation sous forme écrite par le biais de livres.

“On ne s’est pas fait envahir ! Il y a encore de tout. Beaucoup de vidéastes c’est vrai, mais systématiquement, à chaque session de vote on reçoit de tout (des vidéastes, des dessinateurs et dessinatrices, et du podcast). Et il y a une quantité croissante de membres du Café et même de vulgarisateurs en général qui écrivent et qui sortent des livres, et c’est tant mieux ! Les gens se remettent à lire avec un autre format, ça permet d’autres explorations, un autre ton, d’aller peut-être plus loin et de digresser un peu plus dans ce qu’on raconte. J’ai l’impression qu’il y a depuis ces quelques années une explosion des livres, extrêmement plaisante puisque ça redonne une forme encore de légitimité supplémentaire à ces personnes qui font de la vulgarisation mais qui ne font pas que ça […]. Ça appuie encore un peu plus cet objectif, si on devait en avoir un, de professionnaliser ce métier.”

Dounia Saez
Le Café des Sciences a bénéficié d'ailleurs de la publication d'un ouvrage collectif chez Belin : La Science à Contrepied
Venez en discuter au bookclub scientifique : http://bit.ly/CurieuxBookclub

Il reste cependant une interrogation concernant les Cafetiers et Cafetières à laquelle Dounia et Antoine n’ont pas pu répondre, qui concerne aussi la profession en général et que nous avons trouvé béante également dans le Manifeste : derrière cet idéal de transmission, d’abnégation et d’impartialité, et au-delà du rôle qu’ils et elles ont à jouer, qui sont ces médiateurs et médiatrices, vulgarisateurs et vulgarisatrices ? Comment sont-ils arrivés dans cette profession ? Quelle est finalement la sociologie de cette discipline ? Quelle est la réalité du métier aujourd’hui ?

Nous espérons vous retrouver Lundi 31 Mai à 20H sur Twitch pour essayer de répondre à ces questions, et bien d’autres !

image de couverture : Chris Nguyen | Unsplash   

Agathe Franck

A propos de Agathe Franck

Je vois l’art dans la science et la science dans l’art. Après mon doctorat, je me découvre l’envie de continuer à parler de science, et montrer qu'elle est accessible, et humaine.