Une femme a changé totalement le monde des sciences légistes. Savez-vous qui elle est ? Et ce qu’elle a pu faire ?
Frances Glessner est née le 25 mars 1878 à Chicago. Avec son frère, ils suivent une éducation à domicile ce qui n’empêchera pas à ce dernier d’entrée à Harvard. Toutefois, c’est une autre histoire pour elle, son statut la destinant à vie de femme au foyer. A 20 ans, elle épouse Blewett Lee, avocat, dont elle prend le nom. Le bonheur ne se trouve pas au rendez-vous et le divorce devient inévitable en 1914, fait rare pour l’époque. Frances aspire à une autre vie pour elle et ces trois enfants.
Les prémices d’une carrière
Parmi les camarades d’université de son frère, elle sympathise avec George Burgess Magrath, professeur de pathologie et médecin légiste, passionné par les enquêtes menées autour des décès. Les deux travaillent ensemble pour faire évoluer positivement le secteur professionnel de la médecine légiste.
«Les enquêteurs avaient tendance à faire des trucs débiles, explique Bruce Goldfarb, porte-parole du centre de médecine légale du Maryland. Il leur arrivait de marcher dans les mares de sang, de déplacer les cadavres ou encore de mettre les doigts dans les trous laissés par les balles dans les vêtements.»
Extrait : 18 Tiny Deaths: The Untold Story of Frances Glessner Lee and the Invention of Modern Forensics de Bruce Goldfarb
Elle voudrait faire plus, toutefois sa famille s’y oppose fermement. Une femme cela reste à la maison. Et ce n’est qu’à la mort de son frère en 1930, celle de sa mère et de son père en 1936, qu’elle peut réellement débuter une carrière professionnelle. Elle est alors âgée de 52 ans. Grâce à la fortune familiale dont elle hérite, elle fait un don important l’université de Harvard. Cela permet la création du premier département de médecine légale aux États-Unis ainsi que d’une association nationale pour la promotion de cette spécialité.
La naissance d’une nouvelle discipline
Maintenant qu’elle est libre, elle peut se consacrer à ce qu’elle aime.
Dans les 1940/50, elle organise des séminaires à destination des enquêteurs de police, des procureurs… Pendant une semaine, elle leur présente les “Nutshell Studies of Unexplained Death” (études en coquilles de noix de morts inexpliquées), sortes de maquettes qui reconstituent les scènes de crimes ou d’affaires policières.
Les participants avaient 90 minutes pour étudier la scène, aiguiser leurs regards et en tirer des conclusions. La règle imposée est simple : « Designer le coupable, protéger l’innocent et trouver la vérité dans une coquille de noix ». Ses 18 réalisations sont toujours utilisées à la Harvard Associates in Police Science qu’elle a fondé. Cette démarche pédagogique lui vaut le titre de capitaine honoraire de la police de l’état du New Hampshire en 1943, première fois décerné à une femme. Ce qui en fait également la première femme à avoir rejoint l’Association Internationale des Chefs de Police.
Développer le sens de l’observation et dénoncer les violences domestiques
Ces dioramas très précis, réalistes représentaient des scènes de crimes inspirées des faits divers présents dans les journaux. Frances Glessner Lee met son talent et sa recherche de vérité au service des détails qui reflètent au mieux les lieux de l’enquête : interrupteurs, ustensile de cuisine, calendrier, tapette à souris, tout est minutieusement reproduit en miniature. Pour obtenir les informations, elle n’hésitait pas à se rendre sur place, à tout observer (éclaboussures de sang, état des corps, aménagement de l’espace) et à assister aux autopsies.
Cette nouvelle façon d’analyser les crimes devient une référence en matière de technique criminalistique et conduit à faire évoluer les métiers.
Frances Glessner Lee meurt le 27 janvier 1962 à l’âge de 83 ans et peu de temps après la chaire de criminalité et ses « études en petit » à Harvard se clôture. Russell Fisher sauve in-extremis les dioramas et les emporte avec lui lorsqu’il part occuper le poste de médecin légiste chef du Maryland. En 1968, il les utilise dans ses séminaires.
Aujourd’hui, les maquettes sont visibles au 4ème étage du centre de médecine légale derrière la porte avec l’inscription : « Exposition en pathologie ». Elles servent toujours lors de formation, les scènes de crime restant intemporelles.
Les hommages à cette pionnière ne manquent pas à travers un grand nombre de séries : « Les experts », « Blacklist » ou « Elementary » par exemple . Une façon pour la fiction de faire un clin d’œil à une pratique du passé.
Frances Glessner Lee a changé radicalement le métier d’enquêteur et de médecin légiste pour plus de vérité et de justice. Vous ne verrez plus du même œil les maisons de poupée !
+ d’infos pour aller plus loin
- Une exposition consacrée à ses dioramas
- un livre : “18 Tiny Deaths: The Untold Story of Frances Glessner Lee and the Invention of Modern Forensics ” de Bruce Goldfarb
- une vidéo ” Frances Glessner et les petites maisons du crime” TV5 monde (à voirci-dessou)
Article proposé par Prisca.